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C. Bertrand
17 juillet 2017

Après Mossoul

Pour de nombreux Irakiens, la destruction du célèbre (et phallique) minaret penché d’al-Habda à Mossoul a symbolisé la défaite en Irak de l’État islamique autoproclamé. C’est en effet au pied de ce minaret de la mosquée al-Nouri qu’Abou-Bakr al-Bagdadi avait déclaré la naissance de son «califat» - un minaret aujourd’hui détruit par l’organisation jihadiste pour éviter qu’il ne tombe aux mains des forces de sécurité irakiennes. Mais l’étendue de cette défaite et la possible trajectoire d’un Irak «post-État islamique» sont encore peu claires. Car s’il a été anéanti en tant qu’entité étatique, l’État Islamique va continuer d’exister. Une organisation restructurée et qui ne contrôle plus de territoire représente un nouveau défi. Militairement, le groupe en revient à des actions de guérilla, et notamment à des attaques contre les civils dans les régions densément peuplées d’Irak. A l’inverse du passé, l’organisation dispose également de nombreuses ressources et a adopté des méthodes mafieuses, notamment du blanchiment de ses réserves en cash par le biais d’entreprises ayant l’apparence de la légalité, comme les bureaux de change et l’industrie pharmaceutique. Jusqu’à très récemment, ils échangeaient des dinars irakiens contre des dollars US par le biais des enchères aux devises de la Banque Centrale Irakienne. Les conflits souterrains qui opposent les différentes forces politiques en Irak vont également ressurgir maintenant que la cause commune, celle de la défaite de de Daesh, s’estompe. Des querelles sanglantes de territoire ne peuvent qu’éclater dans le nord du pays ; les dirigeants du Kurdistan irakien, les Arabes Chiites et les groupes paramilitaires turkmènes affilés aux Forces de Mobilisation Populaire (FMP), les dirigeants politiques locaux, les combattants sunnites tribaux et les acteurs régionaux vont tous s’affronter pour obtenir un maximum d’influence dans des lieux critiques comme Kirkuk, le nord de Ninive et la frontière entre l’Irak et la Syrie. A Bagdad même, la lutte de pouvoir entre chiites, qui oppose le Premier ministre Haider al-Abadi, et l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki, mais aussi le prêcheur populiste (d’obédience chiite) Muqtada al-Sadr pourrait éclater au grand jour. Les politiques étrangères des États-Unis et de l’Iran sont ici en jeu : Téhéran va faire en sorte de renforcer ses principaux alliés, dont Maliki et des dirigeants du FMP comme Hadi al-Ameri, Qais Khazali et Abu Mahdi al-Muhandis. Pendant ce temps, Washington tente de renforcer Abadi. Mais plus fondamentalement, la lutte entre Abadi ; Maliki et Sadr est nourrie par la colère croissante de la population qui considère désormais que c’est la corruption et pas le sectarisme religieux qui est la principale cause de la naissance de l’État islamique. Si l’Irak veut relever tous ces défis, il doit renforcer ses institutions locales et fédérales, combattre la puissance des acteurs violents non-étatiques et mieux comprendre la manière dont le pouvoir se partage et se répartit au plan local. Ce n’est quà cette condition que l’État irakien pourra s’attaquer aux racines de l’État Islamique et transformer sa victoire militaire en accord politique viable sur le long terme – afin de s’assurer que l’Irak ne va pas à nouveau sombrer dans la guerre civile.

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